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Télétravail : quelles charges pouvez-vous déduire ?

L’annonce par Bruno Le Maire et Olivier Dussopt de mesures spécifiques pour le traitement fiscal des frais de télétravail[1], offre l’occasion de faire un point sur un sujet qui concerne des milliers de salariés à l’heure de déclarer les revenus de 2020.

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David Ecochard – 23 mars 2021 – Dernière mise à jour le 23 mars 2021

Pour faire le tour de la question, compte tenu de la législation actuelle, vous devez vous interroger d’une part, sur les conditions d’imposition des allocations que votre employeur vous a éventuellement versées pour faire face aux charges de télétravail (I),et d’autre part, sur les conditions d’évaluation et de déduction des charges que vous avez engagées en travaillant depuis votre domicile (II). Un exemple chiffré permettra d’illustré l’ensemble. (III)

I. Conditions d’imposition des allocations versées par l’employeur en couverture des frais de télétravail

Le communiqué de presse du 2 mars 2021 précise qu’à titre de simplification, la perception par les salariés[2] d’allocations forfaitaires au titre du télétravail à domicile est exonérée d’impôt sur le revenu dans la double limite de 2,50 € par jour de télétravail et de 550 € par an. Afin de limiter les distorsions avec la règle sociale, le tout nouveau Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale, opposable aux organismes sociaux depuis le 01/04/2021, ajuste sa doctrine en précisant que l’allocation forfaitaire fixée par jour de télétravail est également exonérée de cotisations et contributions sociales dès lors que son montant journalier n’excède pas 2,50 euros, dans la limite de 55 euros par mois [3].

En clair…

Si en 2020 vous avez travaillé depuis votre domicile 5 jours par semaine pendant 7 mois, soit 168 jours, la limite d’exonération fiscale de l’indemnité de télétravail sera de : 168 jours x 2,50 € = 420 € (< à 550 €)

Vous pouvez être confronté à trois situations :

1er cas : l’indemnité perçue n’excède pas la limite forfaitaire fiscale (420 € dans l’exemple), elle est présumée avoir été utilisée conformément à son objet, et bénéficie donc d’une exonération complète.

2nd cas : l’indemnité perçue excède cette limite et vous ne justifiez pas de son utilisation conformément à son objet. Vous devez intégrer à vos salaires imposables la différence entre le montant de l’indemnité perçue et la limite forfaitaire d’exonération que vous aurez préalablement calculée[4].

3ème cas : l’indemnité excède la limite forfaitaire d’exonération et vous justifiez (factures…) de son utilisation conformément à son objet. Le montant de l’allocation est exonéré en totalité.

En clair…

Poursuivons l’exemple précédent en ajoutant comme hypothèse que vous ayez perçu de votre entreprise une allocation forfaitaire de 588 €.

Compte tenu de la limite forfaitaire d’exonération calculée à 420 €, vous devrez ajoutez à vos salaires imposables l’excédent d’allocation de 168 € (588 € – 420 €), si l’indemnité n’y figure pas, ou bien déduire 420 € dans le cas contraire.

Bien entendu, si vous êtes en mesure d’apporter des justificatifs de dépenses de télétravail prouvant la réalité de l’emploi des 588 €, l’allocation sera exonérée en totalité.

Attention, le mode de déduction de vos frais professionnels à un impact sur l’exonération de l’allocation

L’exonération de l’allocation forfaitaire ne peut pas se cumuler avec la déduction fiscale de la charge qu’elle couvre (CGI, art. 83, 3°). En clair, si vous écartez la déduction forfaitaire des frais professionnels de 10 % au profit de la déduction de vos frais réels, vous ne bénéficierez pas de l’exonération de l’allocation, sauf à renoncer à la déduction de vos frais réels de télétravail.

Synthèse : sort fiscal de l’allocation versée en couverture des frais de télétravail 

tableau de déduction fiscale

II. Conditions d’évaluation et de déduction vos frais réels de télétravail

Les frais engagés par les salariés qui exercent leur activité professionnelle selon le mode du télétravail sont déductibles dans les conditions de droit commun applicables aux salariés[5]. Les dépenses doivent à ce titre répondre aux critères suivants[6] :

  • être effectuées en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu salarial imposable ;
  • être nécessitées par l’exercice de l’activité salariée ;
  • avoir été effectivement payées au cours de l’année d’imposition ;
  • être justifiées.

Pour l’évaluation de vos frais vous avez le choix entre deux méthodes. La première vous simplifiera la vie mais la charge obtenue sera modeste. La seconde vous permettra peut-être d’atteindre des montants de charges conséquents, mais vous devrez être irréprochables sur leur justification. En outre le télétravail peut avoir des conséquences sur la règle fiscale de prise en compte de vos frais de déplacements entre votre domicile et votre lieu e travail.

1. La méthode simplifiée du « réel forfaitaire » :

Cette méthode consiste à appliquer à un coût unitaire évalué forfaitairement, une « consommation » réelle. On peut prendre l’exemple des frais de trajets professionnels évalués sur la base d’un kilométrage réel et justifié à laquelle on applique le barème des frais kilométriques forfaitaire publié par l’administration.

Pour le cas qui nous occupe, le communiqué de presse fait état de la possibilité, et c’est une nouveauté, d’évaluer vos frais de télétravail pour un montant forfaitaire fixé à 2,50 € par jour de travail à votre domicile, sans pouvoir dépasser 550 € par an. Cette méthode ne présente un intérêt que si vos frais réels de télétravail sont modestes ou difficiles à évaluer et à justifier, et que vous n’avez pas d’allocation forfaitaire.

En clair…

Au plus fort de la crise, vous avez travaillé par intermittence depuis votre domicile. A vote demande, votre employeur vous a fourni une attestation vous permettant de justifier 75 jours de télétravail en 2020.

Si vous optez pour la déduction des frais réels, vous pouvez ajouter à vos frais de trajets, de repas, etc.., un montant de 188 € (2.50 € x 75 jours).

2. La méthode du « réel réel »

Cette méthode requiert des calculs plus complexes que la précédente et nécessite une vigilance particulière sur la justification des frais déduits. La liste des charges dressées ci-après n’est pas exhaustive, elle donne un aperçu de l’étendue des dépenses qui peuvent être retenues. Dans ce domaine, l’élément décisif est le lien objectif qui peut être fait entre la charge engagée et le revenu perçu.

Les charges liées à l’affectation d’une pièce de la résidence principale à l’activité

Selon la doctrine administrative[7], l’exercice de l’activité doit nécessiter l’utilisation d’un local spécifique et l’entreprise ne doit pas mettre à la disposition de son salarié de bureau. Sur ce second point, source de contentieux, on peut espérer que la condition soit considérée comme remplie durant la période de confinement (COVID) et la mise en place imposée du télétravail[8].

Les dépenses à retenir peuvent différer selon que vous êtes propriétaire ou locataire

capture d'écran d'un tableau de dépenses fiscales Covid

Autres dépenses déductibles[9]

capture d'écran d'un tableau de dépenses fiscales Covid

Bon à savoir…

Si vous affectez ces biens à un usage mixte, la déduction des dépenses est limitée en proportion de leur utilisation professionnelle. Il vous appartient de déterminer une clé de répartition pertinente entre usage privé et usage professionnel.

3. Les trajets entre le domicile et les locaux professionnels effectués par un salarié en télétravail[11]

L’administration distingue deux situations :

1er cas : vous travaillez exclusivement à votre domicile et vous vous rendez occasionnellement dans les locaux de l’entreprise, vous pouvez déduire vos frais de trajet sans limitation.

2nd cas : vous partagez votre lieu de travail entre votre domicile et les locaux de l’entreprise (2 jours à domicile et 3 jours au bureau par exemple), vos frais de déplacement sont déductibles dans les conditions et limites générales[12] (règle des 40 kilomètres etc…).

III. Illustration

Mme Z travaille 5 jours par semaine depuis son domicile dont une pièces est affectée exclusivement à son activité. Deux à trois fois par mois, elle utilise sa voiture pour se rendre dans les locaux de son entreprise situés à 85 kilomètres. Aucun bureau n’est mis à sa disposition sur place.

L’accord d’entreprise prévoit le versement d’une allocation forfaitaire de télétravail de 50 € par mois, versée sur 10,5 mois, pour un salarié effectuant 5 jours de télétravail par semaine. Mme Z a télétravaillé 220 jours. Enfin, nous supposerons que la pièce affectée au télétravail représente 15 % de la superficie totale de la résidence principale (15 m2 / 100 m2)

Charges liées à l’affectation d’une pièce de la résidence principale à l’activité

capture écran tableau

A noter…

  • Dans le cadre de l’option pour les frais réels, Mme Z doit ajouter à son salaire imposable l’allocation forfaitaire de télétravail de 525 € (50 € x 10,5) versée par son employeur (l’allocation n’est pas à ajouter si Mme Z choisit la déduction forfaitaire des frais de 10 %).
  • En cas d’usage à la fois professionnel et privé de la pièce (weekend, congés…), un second coefficient représentatif des périodes d’utilisation professionnelle devrait être appliqué au montant de 2 180 €.

Autres dépenses déductibles

Melle Z a pris en charge l’achat d’un bureau 700 € TTC, d’un fauteuil 450 € TTC et du petit matériel 200 € TTC (lampe, multiprises…). Le matériel informatique et les consommables sont fournis par l’entreprise.

L’achat du mobilier et du matériel dont la valeur n’excède pas 500 € hors taxes peut être déduits en totalité, lorsque le prix hors taxe excède 500 €, les biens doivent être amortis linéairement.

capture écran autres dépenses déductibles Covid télétravail

Frais de déplacements

  • Véhicule 5 CV
  • Nombre de trajets effectués : 25 allers-retours, soit 4 250 km parcourus (85 km x 25 x 2)
  • Frais d’autoroutes justifiés par le relevé de télépéage : 300€ (50 trajets à 6 €)
capture calcul frais kilométriques

Synthèse

Nous supposerons que la rémunération préremplie sur l’imprimé 2042 de Mme Z est de 35 000 € (allocation pour frais de télétravail non comprise).

fiscalité télétravail barème

En conclusion

La doctrine existante (antérieure à la crise COVID 19) peu fournie sur le sujet et sa dispersion au sein du Bulletin Officiel des Finances Publiques – Impôt (bofip.impots.gouv.fr) ne facilite pas l’accès aux règles de prise en compte des frais de télétravail, ni à leur compréhension.

Le communiqué de presse du Ministère de l’Economie des Finances et de la Relance fait la promesse d’une clarification en indiquant que « la nature et le montant de déduction des frais liés au télétravail, en particulier des frais liés à l’usage professionnel d’un local privé, seront prochainement précisés sur le site impot.gouv.fr »

Il convient donc de rester attentif aux évolutions qui interviendront avant la campagne de déclaration des revenus 2020.

Sources :

[1] Communiqué de presse du Ministère de l’économie, des finances et de la relance du 2 mars 2021, n° 726.
[2] Autres que les dirigeants (les allocations forfaitaires versées aux dirigeants sont, quel que soit leur objet, soumises à l’impôt sur le revenu).
[3] BOSS.gouv.fr, rubrique « frais professionnels », Chapitre 7, § 1810
[4] BOI-RSA-CHAMP-20-50-10-20 § 130
[5] BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 §170 du 24/02/2017
[6] Art 83, 3° du CGI et BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 § 50 du 21/06/2017
[7] BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 du 21/06/2017
[8] Au-delà de la période de la crise sanitaire, Il serait souhaitable que la déduction soit ouverte à toutes les situations où un accord sur le télétravail est mis en place au sein de l’entreprise dans les conditions prévue à l’article L 1222-9 du Code du travail.
[9] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40 du 20/09/2017
[10] Si un bien se compose de plusieurs éléments qui peuvent être achetés séparément (meubles de rangement modulables par exemple), il y a lieu de prendre en considération le prix global de ce bien, et non la valeur de chaque élément, pour apprécier la limite de 500 €
[11] BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 §170 du 24/02/2017
[12] BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 §10 du 24/02/2017